Marielle Schalk: « il est impossible d’être vert si on est dans le rouge »

Beaucoup de choses se sont passées ces dernières semaines. Tout a commencé avec le premier article de la série « les usines à bétail », du journal flamand De Standaard dans lequel mes collègues, mes voisins et mes amis ont été présentés comme des pollueurs et des clans. Cela nous a mis tellement en colère que nous nous sommes en effet rapprochés. C’était le point de départ de nos actions. Ludiques et légères, mais toujours avec un message.

Notre municipalité est une véritable communauté rurale avec de nombreux jeunes agriculteurs passionnés dans tous les secteurs. Ici, on sent l’agitation. Nous voulons aller de l’avant et travailler très dur pour préserver et renforcer nos exploitations. Certains pratiquent une agriculture plus intensive et optimisent chaque processus du cycle, d’autres ajoutent une branche ou travaillent à élargir leur entreprise. Nous avons une merveilleuse sélection de produits locaux ici à Hoogstraten. Ce sont tous ces différents types d’agriculture qui rendent notre municipalité tellement unique. Nous produisons de la nourriture pour ici mais aussi pour les communautés où il n’y a pas de place pour l’agriculture. Ici, nous partageons l’espace avec l’industrie, les autoroutes très fréquentées, entourées de moulins à vent et de la nature.

Il est clair qu’il devient de plus en plus difficile d’obtenir de l’espace pour nos entreprises et il est évident que l’agriculture en paiera le prix. Néanmoins, l’agriculture a toujours été l’un des piliers économiques les plus importants de notre région et cela se reflète encore dans les zones résidentielles où les immeubles portent le nom de bâtiments historiques tels que la laiterie, la criée et la brasserie. Et c’est précisément la génération qui a pratiqué l’élevage de manière si intensive et qui a doublé le nombre d’animaux à maintes reprises qui se plaint aujourd’hui des grandes étables où notre génération produit des aliments durables. Avec les exigences croissantes en matière de sécurité alimentaire, de bien-être animal et de durabilité, il devient de plus en plus difficile de gagner sa vie avec de petits nombres d’animaux, surtout lorsque l’espace pour pratiquer notre métier devient de plus en plus rare et cher. Il n’est pas possible de pratiquer l’agriculture extensive avec une pareille pression sur nos terres.

Nous tous, en tant que communauté, ne savons plus quoi faire. Parce que nous savons très bien que nous devons prendre soin de ce morceau de terre sur lequel nous vivons. Notre agriculture est en transition depuis un certain temps déjà. Nous sommes tous à la recherche de solutions réalisables pour faire notre métier de manière plus durable. De petits ajustements de nos activités pourraient déjà apporter de grands résultats sur le plan environnemental. Je comprends que l’on ne peut pas être au courant de tout, mais il devient urgent que nous expliquions à notre communauté ce que nous faisons et pourquoi nous le faisons. Et, même si je ne m’attends pas à des félicitations, un peu de soutien pour les agriculteurs bien intentionnés au lieu d’une campagne médiatique agressive contre l’agriculture serait le bienvenu. Le grand problème demeure qu’il est impossible d’être vert si on est dans le rouge. Nous, agriculteurs, ne pouvons pas compter nos frais dans les prix du consommateur. Nous sommes toujours dépendants du prix qui nous est accordé par le commerce de détail.

Cela m’agace énormément que l’on fasse valoir que cela dure depuis des siècles alors que volilà l’une des grandes raisons de la taille de nos exploitations. Ainsi, par exemple, j’ai récemment lu dans un article que l’agriculteur ne doit pas trop se plaindre, alors que ce même article parlait de l’agriculture à grande échelle où l’agriculteur est supposé pouvoir faire du profit sur un poireau vendu à peine 2 cents au-dessus du coût de production. Nous avons tellement plus de demandes à satisfaire qu’il y a 50 ans et les conditions dans lesquelles nous travaillons deviennent de plus en plus coûteuses. Tout le monde veut investir dans la durabilité, mais si nous continuons a nous serrer la ceinture, il ne restera plus d’espace sur la terre ou de sous dans nos portefeuilles. Ajoutez à cela la situation difficile du jeune agriculteur qui doit également reprendre une entreprise et qui doit ensuite dépenser beaucoup d’argent pour les demandes de permis et les investissements dans la durabilité, et on ne peut que conclure qu’il devient terriblement difficile de se lancer en ces temps agités. Nous vivons une époque où l’on n’a plus du tout conscience de ce que font les agriculteurs et quels magnifiques efforts ils font déjà pour obtenir plus de durabilité.

Je ne peux qu’être très fière de mes collègues. Nous ne cessons de transformer les problèmes en solutions, de chercher des à nous améliorer et d’entrer en dialogue avec nos concitoyens. J’espère qu’avec nos actions, nous pourrons faire en sorte que la communauté, mais aussi les hommes politiques, s’intéressent davantage à la gestion de nos entreprises. Il est temps de jeter un regard objectif et ouvert sur l’agriculture au lieu de chercher un bouc émissaire pour notre propre consumérisme.

Author: Kim Schoukens

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