Du bureau à la ferme, ou comment les fraises ont changé la vie de Matija

« Arrêtons de nous voir comme de la concurrence, le plus qu’on produit, le moins de produits importés il y aura ! »
Matija Brinjak, 29 ans, a commencé sa carrière comme technicien médical. Cette année, il récoltera sa troisième culture de fraises et ajoutera des légumes à sa production.  Voici l’histoire d’un agriculteur de première génération de Veliki Banovac, en Croatie.

Matija Brinjak est le seul agriculteur à produire des fruits dans le petit village de Veliki Banovac, près de Pakrac. Sans aucune expérience préalable, il s’est mis à la culture de fraises. Sa ferme, il l’a financé entièrement avec ses propres moyens. Les efforts investi ont littéralement portés leurs fruits lors de la première récolte. 2 tonnes de fruits sucrés, voilà le premier résultat de notre jeune agriculteur. Cette année, il compte étendre sa production en incluant la pastèque et la laitue, et il ne compte pas s’arrêter là.

« Si quelqu’un m’avais dit, il y a 10 ans, que je me mettrais à l’agriculture, je ne l’aurais jamais cru. Aujourd’hui, je produits mes propres fruits et légumes à ma ferme de plein air », explique Matija.

Le jeune homme représente la première génération d’agriculteurs de sa famille ou, comme il le dit lui-même, « celui qui a brisé la glace. » Malgré un emploi sûr au sein de la Inclusion Promotion Association de Pakrac, Matija est tombé amoureux de la production de plein air il y a deux ans et a décidé de se lancer dans la culture de fruits.

Son résultat de 2 tonnes de fraises a dépassé toutes ses attentes.

« J’ai commencé une petite ferme familiale à la fin 2017 et planté mes 4000 premiers fraisiers au printemps 2018. Contrairement à l’habitude de planter des fraises vers la mi-août, j’ai voulu expérimenter en le faisant au printemps. Début avril, je plantais donc des fraises Clery et Joly. Après 60 jours seulement, j’avais ma première récolte. Il s’agissait de 250 kg de fraises, ce qui dépassait largement mes attentes puisqu’il est bien connu que les fraisiers doivent être solidement enracinés avant de bien produire. « La première année, j’ai juste irrigué le sol sans ajouter de nutriments », se rappelle-t-il.  Ses premiers pas furent difficiles, puisqu’il lui manquait les connaissances et l’expérience. Aussi, il a passé beaucoup de son temps à rechercher les avis d’experts et à apprendre son métier en plus de la gestion de la ferme. Et son dur labeur fut récompensé, car l’année dernière, la ferme familiale de Matija a connu sa première véritable récolte de fraises.

« Compte tenu du nombre de plantes et des conditions météorologiques extrêmement défavorables aux fraises, je suis très satisfait de la récolte de l’année dernière. Nous avons récolté 1600 kg de fraises de première classe et encore 400 kg de fruits de seconde classe. Un excellent résultat pour une parcelle de 2000m carrés. Nous avons planté huit rangées de 85 mètres chacune, soit près de 700 mètres de longueur totale « , explique le jeune agriculteur. Le jeune fermier est désormais prêt à affronter d’autres défis, en plus de ses fraises.

 

Des pastèques en Slavonie de l’ouest

« Les fraises demeurent notre culture primaire, mais nous avons l’intention d’étendre notre gamme. Nous allons commencer pas la production de pastèques et de laitues. Notre intention est bien d’augmenter la production, mais dans un contexte qui nous permet de garder tout le travail en famille », nous confie Matija, dont l’épouse, les parents et le frère aident à la ferme. Il y a toujours trois paires de mains supplémentaires pour prêter main forte pendant la saison de récolte, mais la ferme ne compte pas encore engager des travailleurs pour l’instant.

Comme la ferme a été démarrée avec ses propres moyens et que l’investissement était considérable, cela prendra du temps avant de voir un retour.

« Étant donné que je n’ai pas suffisamment de terres arables ou un nombre suffisant de plants, je ne suis éligible à aucune des mesures du programme de développement rural. Tout ce que je réalise est financé par mes propres moyens. La clôture et la sécurisation du terrain constituaient une grande partie de l’investissement. Après, il a fallu acheter des tunnels bas, du plastique, les plantes et du matériel pour démarrer la ferme. Au final, le montant que j’ai investi dans le démarrage de notre opération s’est élevé à plusieurs milliers d’euros », explique Matija.

Des fraises fraîches de la ferme

Bien que bon nombre d’agriculteurs se plaignent que la vente direct de la ferme est problématique, Matija pense le contraire.

« Les fraises sont un fruit très apprécié et tout ce que je produit, je le vends de chez moi. Souvent, il ne se passent que 2 heures entre la cueillette des fraises et la vente au consommateur. Les fruits peuvent mûrir sur la plante plutôt que d’être cueillies encore verts et mûris dans des entrepôts. »

Faire pousser des fruits et légumes à l’air libre présente un inconvénient considérable. Un fermier ne contrôle pas la météo. Matija est donc en train de chercher une solution pour cultiver ses fraises dans des serres pour éviter les mauvaises conditions météo. « La serre devra compter au moins 2000 fraisiers, mais je voudrais également investir dans des serres plus petites d’environ 70 mètres carrés pour laitues, poivrons et tomates ». L’investissement est prévu en quelques étapes, puisqu’il est considérable.

Le but est de pouvoir produire 2500 kg de fraises par an avec 5000 fraisiers, 2500 kg de pastèques et 500 kg de laitues.

« Si mes finances me permettent d’augmenter ma production, je voudrais prévoir des serres en premier lieu puisque la production de plein air représente un gros risque », explique le jeune homme. Avec fierté, il indique que les jeunes ne doivent pas quitter le village. 5 ou 6 fermes familiales sont actives dans un rayon de 1 km autour du village de Veliki Banovac.

« La plupart des agriculteurs de cette région pratiquent des cultures arables. Pour l’instant, je suis le seul à m’engager dans la culture fruitière et depuis cette année également dans la culture maraîchère. S’il y a des agriculteurs qui veulent expérimenter avec la culture des fraises, ils sont libres de me contacter pour des conseils. J’ai passé un an à collecter des informations et à apprendre et je voudrais partager mes connaissances avec mes collègues », dit-il.

Produits locaux plutôt qu’importés

A ses débuts, Matija a visité une douzaine de fermes pour obtenir des informations et des conseils utiles à travers des conversations avec des producteurs chevronnés, mais n’a trouvé aucune bonne volonté.

« J’ai eu du mal à obtenir des informations, j’ai donc dû apprendre presque tout moi-même. Je veux que ces mauvaises relations entre les agriculteurs nationaux disparaissent. Nous n’avons pas besoin de nous considérer comme de la concurrence, car plus nos agriculteurs produisent de la qualité, moins on trouvera des produits importés sur le marché. Des prix bas des fruits et légumes importés ne représentent pas toujours un attrait pour les clients. Par exemple, les fraises de la saison dernière ont été vendues dans les supermarchés au prix de 10 kuna par kilogramme (1,34 € / kg), tandis que le prix de mes fraises était de 25 kuna (3,34 € / kg). Pourtant, tous ceux qui les ont essayés sont devenus des clients fidèles, qui reviennent à la ferme », explique Matija. La différence entre les fraises cueillies il y a 14 jours, alors qu’elles étaient encore vertes et mûries en entrepôt frigorifique ou les fraises fraîches, cultivées sur place et cueillie il y a 2 heures est énorme, et les clients goûtent la différence. C’est pourquoi ils reviennent à la ferme de Matija. Selon Matija, le prix des fruits et légumes est un facteur beaucoup moins important que la qualité.

Besoin de l’aide de l’UE
Pour Matija, la publicité est une question importante. Bien qu’il vende toute sa récolte dans le stand devant sa maison, une plus grande portée signifierait plus d’occasions de vendre. Comme sa ferme est trop petite pour pouvoir bénéficier d’un financement de l’UE, le jeune agriculteur se demande si l’UE n’a pas d’autres possibilités pour aider les petits agriculteurs comme lui. Une possibilité serait une aide plus directe comme des campagnes de publicité pour les fruits et légumes locaux, ou un réseau pour diffuser les connaissances.

«J’ai commencé avec rien que mon propre argent, sans de prêts bancaires ni financement de l’UE. Cela me rend vulnérable. J’ai acquis pas mal de connaissances au cours des années précédentes mais au final, si je manque d’argent, je devrai arrêter ma petite ferme », explique Matija. «Je comprends que les grandes entreprises ont plus facilement accès au financement car elles ont une équipe d’avocats qui travaille pour elles, mais finalement ce sont de jeunes agriculteurs comme moi qui offrent un avenir aux zones rurales en Europe.»

 

 

A propos de Matija

Matija Brinjak (29 ans) est un jeune agriculteur de Veliki Banovac, dans les environs de Pakrac, en Croatie. Il y a 3 ans, il a commencé à cultiver des fraises. Cette année, il cultivera également de la laitue et des pastèques. Il cultive sur 1,2 hectares de terrain en pente. Avec sa famille, il a récolté 2,5 tonnes de fraises l’année dernière, qui sont toutes vendues à la ferme. Le jeune agriculteur prévoit d’investir dans des serres pour réduire le risque de dégâts liés au mauvais temps sur ses cultures.

Vous pouvez suivre Matija sur Facebook

 

Source : Agroklub

Images : Matija Brinjak

 

Cet article est paru dans Farmers of Europe Magazine n° 1.

Cliquez ici pour lire le magazine. 

 

 

Author: Kim Schoukens

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *