« Nous devons changer notre approche pour faire face à ce qui nous attend » – Samuel Masse, ancien Président de la CEJA et vigneron bio

 Le Domaine de Favas est un vignoble bio où l’on travaille dans le respect de la biodiversité. A sa tête, Samuel et Geoffrey Masse, qui ont repris l’exploitation de leurs grands-parents et l’ont transformée en un projet moderne et durable. Rencontre avec Samuel Masse, viticulteur et ancien Président du CEJA.

Samuel et Geoffrey Masse représentent la 22ième génération à la tête d’un véritable écosystème. Une approche fondée sur l’engagement d’agriculture durable des deux frères, conscients des défis de notre siècle.

« Notre exploitation n’a pas toujours été uniquement viticole », nous explique Samuel Masse, qui a repris l’exploitation familiale en 2012 après des études de viticulture et d’œnologie suivies d’un stage en gestion viticole aux Etats-Unis.  « La viticulture existe dans la région depuis fort longtemps. Elle était déjà présente à l’époque romaine et a connu un véritable essor dans la région qu’à partir de 1855 avec la construction de la gare de Montpellier. »

En effet, ce n’est qu’après la fin de la première guerre mondiale que les aïeuls de Samuel ont commencé à se spécialiser dans la viticulture. Un siècle plus tard, la production, bien que principalement viticole, se diversifie à nouveau. Un retour aux sources, puisque la vigne a été associée par le passé à la production d’olives et de vers de soie ainsi qu’à l’élevage de brebis.

Passage au bio

Dès la reprise, Samuel a continué d’apporter ses raisins à la cave coopérative tout en changeant petit à petit son approche par rapport à ses grands-parents dans le but de produire son propre vin. Il commencera à supprimer les herbicides en 2013, mais le processus de transition vers la certification en agriculture biologique débuta vraiment en 2018 avec l’arrivée de Geoffrey sur l’exploitation.

« Dès le début, j’avais espéré que mon frère me rejoigne, ce qu’il a fait en 2018. L’arrivée de mon frère a vraiment permis la réalisation de mes projets de départ avec le passage au bio et la création de vinifications de notre propre vin sur une partie de notre production. 2021, marque aussi un moment important avec l’accomplissement des trois années de conversion et la possibilité maintenant d’utiliser le logo européen bio sur nos bouteilles. »

Une transition qui fut loin d’être facile, nous explique-t-il, la grande difficulté étant qu’il a fallu réapprendre à travailler avec des outils que l’on avait oubliés et d’autres qu’il a fallu apprendre à apprivoiser. Le manque de suivi et de formation dans l’utilisation de ces nouveaux outils pendant la période d’adaptation est une difficulté supplémentaire. Enfin, un autre aspect à ne pas négliger est celui de la rémunération pendant la période de transition :

« Tant qu’on n’est pas certifié bio, on n’est pas rémunéré au prix du bio. On investit dans du matériel et du temps, mais on ne reçoit pas une juste rémunération de notre travail, alors que le démarrage d’une activité agricole pour des jeunes agriculteurs est une période très difficile. »

« Nous avons eu la chance d’avoir des terres dans la famille, bien que nous les louons encore aujourd’hui, ce n’est pas le cas pour un bon nombre de jeunes qui souhaitent devenir agriculteurs. Malheureusement, beaucoup de jeunes abandonnent leurs projets faute d’avoir trouvé des terres et parfois même après leur installation parce qu’ils n’ont plus les moyens de survivre. Aussi, je suis d’avis de donner plus de soutien aux jeunes agriculteurs qui lancent leur entreprise agricole et pour ceux qui décident de se tourner vers l’agriculture bio, de donner un prix rémunérateur durant la période de transition vers celle-ci. »

Le cycle de la vigne

La vigne, c’est un travail de toute l’année. De novembre à avril, c’est la période de taille hivernale de la vigne qui est très importante car elle détermine et conditionne la récole à venir. Ensuite, nous démarrons en mars les travaux de désherbage mécanique, suivis en mai du nettoyage des pieds et de l’entretien des jeunes vignes. L’été est une période plus calme dans les vignes, avec de l’entretien du sol et des bande enherbées, mais chargée au domaine avec des soirées estivales musicales et la vente directe. Enfin, vient la période des vendanges qui se déroule de mi-aout à mi-octobre. A la machine ou à la main, mais toujours entre amis et en famille.

« Après la vendange, arrive le temps du repos végétatif automnal et hivernal. Nous laissons pousser l’herbe et nous nous faisons aider par un troupeau de brebis pour entretenir ce couvert végétal qui durera tout l’hiver jusqu’au printemps. Le gros avantage des brebis c’est qu’elles nettoient et fertilisent en même temps sans utiliser de fioul. Nous retournons ce couvert végétal en juin afin d’éliminer la compétition. Ce procédé a pour avantage de favoriser le développement de la matière organique dans le sol.

« Et puis les brebis, c’est utile pour la biodiversité sur le domaine : elles aiment se brosser et laissent de la laine partout, qui est ensuite utilisée par les oiseaux pour renforcer leurs nids. »

Approche expérimentale pour une exploitation durable

Le Domaine de Favas a l’avantage en plus de son passé familial, d’être la seule exploitation produisant son propre vin bio dans la commune. Une singularité qui va bien plus loin car Samuel et Geoffrey font partie des rares vignerons dans la région à élever leurs vins dans des jarres en terre cuite faites à la main. De plus, leur région n’est pas épargnée par le vieillissement de la population agricole. Malgré cela, ils sont toujours à la recherche de nouvelles techniques plus durables et plus adaptées au contexte climatique.

« Nous sommes dans une approche expérimentale et sommes toujours à la recherche de nouvelles techniques, puisque nous ne pouvons pas utiliser les produits (chimiques, red.) de nos grands-parents. Nous travaillons en étroite collaboration avec écoles et universités et créons de véritables protocoles d’essai. »

La taille étroite en haie des vignes, que l’on appelle le rognage, est utilisée depuis longtemps dans les vignes palissées et adaptées à la mécanisation. Cette pratique a coûté cher aux vignes de la région pendant l’été 2019, où une vague de chaleur culminant à 46° a brûlé beaucoup de vignes laissant les raisins trop exposés au soleil. « On rogne et écime la vigne pour favoriser la maturation du raisin et réduire le risque de pourriture, mais cet été-là, toutes ces grappes étaient perdues. La canicule de 2019 est un symptôme de ce qui nous attend avec le réchauffement climatique. Après cet épisode, nous avons pris pour habitude de laisser plus facilement pousser la végétation et ainsi protéger les grappes du soleil, mais cela reste un risque lors d’une année humide. Nos ancêtres ont toujours su s’adapter et je suis convaincu que nous devons changer notre approche et adapter nos pratiques pour faire face à ce qui nous attend. »

Texte: Kim Schoukens – Images: Domaine de Favas/Samuel Masse

 

Cet article est paru dans Farmers of Europe 2021-1.

Cliquez ici pour lire l’article complet.

Cliquez ici pour lire le magazine gratuitement. 

Author: Kim Schoukens

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *